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JEAN
GUAY SUR SES TERRES
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Jean Guay,
nous l'avons vu, acquit ses terres des Jésuites
après les avoir eues à gage et en avoir commencé
le défrichement. Néanmoins, il paie au seigneur
une redevance annuelle minime. En retour, il doit
défricher et rendre cultivable au moins un
arpent par année, et souvent il en fait
davantage et rendra cultivable au moins un arpent
par année car le fruit de son travail lui reste
en entier. Il besogne ferme. Il est par nature
matinal. La saine clarté des premières heures
du jour stimule les énergies.
Les
heures régulières de travail sont du soleil
levant au soleil couchant. Le colon est libre,
mais cet horaire lui est naturel.
Il
défriche une partie de la concession pour y
semer ce qui sera nécessaire pour nourrir sa
famille et ses bestiaux. L'autre partie est en
forêt et sera conservée ainsi, afin de fournir
le bois nécessaire au chauffage et à la
construction. Les érables sont soigneusement épargnés
pour fournir le sucre et le sirop. Le colon y
construira de ses mains, maison, dépendances, étables
et grange. Même si la terre canadienne donne généreusement,
le colon doit se contenter de nourrir sa famille
et ses bestiaux, car il lui est impossible d'écouler
ses surplus. Les autorités n'ont rien prévu
pour l'écoulement des surplus.
Pour
le colon, l'année est partagée en deux périodes
inégales, elles-mêmes entrecoupées de cycle
qu'on appelle temps. Durant l'été qui va de
juin à septembre, il y a le temps des semences,
le temps des foins, le temps des récoltes. Ces
quelques brèves semaines sont celles d'un
travail incessant, épuisant, sans répit,
d'autant plus qu'il faut y soustraire non
seulement les jours pluvieux ou froids, les
orages subits et nombreux à l'époque de la
canicule, ainsi que les dimanches, mais aussi
toutes les fêtes religieuses, qui sont
nombreuses et rigidement observées. Il y en a
cinquante-trois les années bissextiles commençant
par un samedi ou un dimanche. Si on y ajoute les
trente-sept jours de fêtes d'obligation, il faut
se priver de travail manuel de 89 à 90 jours par
année.
Le
colon sait que près de la moitié des fêtes chômées
se situent à la période de travail intensif et
qu'entre la semence et la récolte, il lui reste
à peine les deux tiers de jours ouvrables. C'est
dire que ceux-ci doivent être employés au
maximum et que chaque heure est précieuse. Tous
les membres de la famille mettent la main à la
besogne, même les enfants et les femmes. La
femme de la Nouvelle-France observe Kalm, "est
dure au travail et à la peine, surtout chez le
peuple ; on la voit toujours aux champs, dans les
prairies, aux étables, ne répugnant à aucun
espèce d'ouvrage". Levés avec le jour, au
cours de cette brève période de l'été, tous
travaillent jusqu'à la nuit tombée. Les repas
sont légers, rapides, irréguliers.
Parfois,
aux jours de chaleur torride, on se permet une brève
sieste, une demi-heure au plus, à l'ombre d'une
charrette ou d'un arbre. Lorsque la température
n'est pas propice à la fenaison, le fermier
s'occupe aux menus ouvrages qu'il doit négliger
les jours de beau temps. Il répare les clôtures
mitoyennes, graisse les voitures, aiguise les
faux, creuse ou nettoie les fossés pour l'écoulement
des eaux. La femme et les enfants s'emploient au
sarclage du potager et aux plates-bandes de légumes
L'organisation
de la ferme
Le paysan
canadien utilise à peu près les mêmes
instruments que les fermiers des pays d'Europe.
Il se sert d'abord des outils agricoles maniés
à bras d'homme. Plus tard viennent des
instruments à traction animale. La première catégorie
comprend la pioche, la houe, la gratte, la
faucille, la serpe, la faux, la fourche, le fléau
et le van. Les premières terres labourées par
les Français de Nouvelle-France sont retournées
à la pioche. Les bufs de labour sont
encore rares de même que la charrue à rouelle.
Le
25 juin 1647 arrive à Québec une bête inconnue
des Indiens ; un cheval. Il a été envoyé de
France par les directeurs de la Compagnie des
Habitants comme cadeau au gouverneur M. de
Montmagny, lequel avait exprimé le regret de ne
pas en voir. Les Hurons qui séjournent à Québec
ne se lassent pas d'admirer sa souplesse et son
élégance.
Ce
ne sera qu'en 1665 qu'arrivera douze autres
chevaux tirés des écuries du roi. Un autre
chargement est envoyé en 1670 et les bêtes
distribuées en récompense aux seigneurs qui ont
le plus favorisé le défrichement et la culture
des terres. C'est dire que çà prendra encore
plusieurs années pour que le cheval devienne généralisé
pour les colons.
Pour
le fauchage des pois on utilise la serpe française,
laquelle arrondie pour les besoins locaux,
devient le "crocheton". La coupe du blé,
du seigle et du foin se fait à la faucille au
taillant tranchant ou dentelé et aussi à la
faux. La fourche est ordinairement de bois, et à
deux dents. On l'emprunte aux branches des
arbres, de préférence le frêne. La fourche de
fer à trois dents ne viendra que plus tard. Le
battage du grain se fait au fléau ; vient
ensuite le vannage au moyen du tamis, du van ou
du crible. Les deux premiers de ces instruments
se trouvent dans toutes les fermes, mais le
crible appartient d'habitude au seigneur ou au
propriétaire du moulin à farine. Pour
l'utiliser, il faut verser six deniers par minot
de grain vanné.
L'exiguïté
des granges est telles que le foin, le trèfle et
les autres plantes fourragères sont entassés en
meules près des bâtiments. Seuls les grains
sont mis à l'abri. Le battage se fait au cours
des mois d'hiver, au fur et à mesure des besoins
de farine, et il constitue l'une des besognes
hivernales du colon. Le grain dort sous la terre
pendant les rigoureux mois d'hiver, et cette méthode
produit de si bons résultats qu'il est question
de l'essayer dans les fermes de France, comme le
Secrétaire d'État chargé des colonies l'écrit
de Versailles au gouverneur Vaudreuil et à
l'intendant Raudot en 1709. Il n'est pas toujours
possible de semer le blé d'automne. Souvent le
froid arrive brusquement et gèle le sol. Alors
le colon songe immédiatement à la provision de
bois qu'il lui faut bûcher, scier et fendre pour
les mois d'hiver. L'abattage doit se faire avant
l'époque des hautes neiges, soit au cours du
mois d'octobre.
C'est
aussi l'époque de la réparation et du remisage
des voitures et instruments de ferme. Ensuite, on
"renchausse" soigneusement le solage de
la maison avec de la terre et de la paille. Ce
n'est que lorsque tombe la première neige que le
colon songe que depuis juin, il n'a pas connu de
repos. Mais il est satisfait ; s'il n'est pas
plus riche que l'année précédente, du moins
pourra-t-il encore nourrir et chauffer sa famille
tout au long des prochains mois.
Travaux
d'hiver
C'est
l'hiver que s'effectue l'incubation du type
social de l'habitant canadien. Alors peu à peu,
il se civilise, se raffine, prend conscience de
sa valeur. Ses moyens de civilisation sont la vie
de famille, le repos, l'application raisonnée
aux travaux domestiques et familiaux de tous les
jours. Même les animaux deviennent plus
familiers, à force d'être visités, soignés,
nourris trois fois par jour dans leur étable où
ils sont eux-mêmes confinés jusqu'aux premiers
jours de l'été. Ce soin accompli, et sauf les
jours de tempête qui l'obligent à des travaux
de déblaiement pour éviter d'être coupé de
ses voisins, l'habitant vit au cur de sa
famille. Assis au coin du feu, il s'occupe à de
petits travaux qui demandent de l'adresse, de
l'intelligence et de la réflexion. En ce qui
regarde Jean Guay
dont un des métiers est la menuiserie, il en
profitera pour compléter le mobilier de la
maison. C'est l'hiver que naissent les tables,
les bahuts, les chaises, les lits, les berceaux
et aussi les jouets pour les enfants.
Dans
cette ambiance qui façonne à l'habitant une âme
nouvelle, la femme joue un rôle de premier plan.
Jeanne, l'épouse de Jean
Guay apprendra à lire et à
écrire non seulement à ses enfants, mais également
à son mari, car un colon qui sait au moins
signer son nom grimpe d'un cran dans la hiérarchie
de la paroisse. Elle discipline aussi les devoirs
religieux quotidiens. Elle donne l'exemple en
tissant, filant et préparant elle-même tous les
habits et toutes les robes, les couvertures de
lit et les tapis. Sa grande ingéniosité
consiste dans la préparation des repas qui
doivent être à la fois variés, copieux et appétissants,
car la table est un des principaux attraits de
ces mois d'apparente inactivité.
La
période hivernale donne lieu à des réceptions
et des fêtes familiales. Les noces sont
l'occasion de réjouissances qui durent parfois
quatre ou cinq jours. C'est le plaisir de revoir,
après des années, des parents ou des amis qui
se sont établis dans des concessions éloignées.
Chaque soir le repas est pris en commun chez le père
de l'un des conjoints, puis tous dansent,
chantent et festoient jusqu'aux petites heures du
matin. Le repas, que les invités entament vers
sept heures, dure environ quatre heures. "L'hôte
de céans, qu'il soit seigneur ou censitaire,
serait accusé de lésinerie si, à la fin du
repas, la table n'est pas aussi encombrée de
mets que lorsque les convives y ont pris place.
Le
repas terminé, commencent les danses et les
chants populaires qui maintiennent les traditions
françaises ou qui les modifient selon les nécessités
de l'adaptation.
Le
vêtement
Les
premiers colons français ne se sont pas obstinés
à vouloir porter les costumes de leur pays. Ils
adopteront rapidement les vêtements que leur
impose le nouveau climat et que les nouvelles
habitudes de vie leur suggèrent. Le colon
apprend vite à se vêtir en partie selon la mode
indienne ou à fabriquer lui-même ses habits de
travail, ce qui lui permet de se soustraire
autant qu'il peut au monopole des tissus,
jalousement gardé par les marchands français.
Dès
1660, il y a des gants de cerf et d'orignal avec
fourrure à l'intérieur, des sangles de loup
marin, des justaucorps de cuir d'ours ou de
caribou. Peu à peu il s'adapte aux produits
domestiques. Il ne peut se permettre la vanité
dans son habillement. Un officier de passage
mentionne, non sans une pointe de mépris, que
les habitants des campagnes sont presque toujours
mal habillés et qu'ils fabriquent eux-mêmes
leurs habits de travail.
Malgré
l'effort de l'intendant Talon, l'élevage du
mouton apparaît difficile et précaire, à cause
de la proximité de la forêt où pullulent les
carnassiers. La laine reste rare, et il faut
utiliser d'autres produits comme le lin et le
chanvre. Mais les habits de lin et de chanvre ne
sont pas des habits chauds. Il faut les doubler
de cuir ou de fourrure commune. La laine est réservée
aux sous-vêtements. Le travailleur des champs
porte des sous-vêtements de laine été comme
hiver, car la laine absorbe rapidement la sueur
et protège des refroidissements subits.
La
fabrication des vêtements et des couvertures
d'hiver requiert presque tout le temps de la mère
de famille, surtout si les enfants sont nombreux.
Comme les maisons ne sont pas chauffées la nuit,
il faut des couvertures chaudes. Ce sont d'abord
des fourrures, puis les ménagères arrivent à
fabriquer des catalognes, à partir de vieux vêtements
qu'elles découpent et assemblent de manière à
former une couverture multicolore.
Costume canadien
Même s'il
n'y eut pas de costume typiquement canadien, les
gravures et les dessins représentent le colon
coiffé d'une tuque à gland, le corps entouré
d'une ceinture fléchée et chaussé de bottes
sauvages.
Vie
libre et aisée du colon
Il est
possible d'établir une intéressante comparaison
entre es biens d'un colon canadien et ceux d'un
cultivateur normand à la même époque. Au XVIIe
siècle, un certain Jean Collet, soldat du régiment
de Carignan décide de rester en Nouvelle-France.
Il épouse une "fille du roi", Jeanne
Deschars originaire de Picardie, obtient une
concession dans la seigneurie de Batiscan. Son épouse
meurt en 1688, et comme c'était la coutume, un
inventaire de ses biens est dressé. Sur sa terre
de deux arpents de largeur par 40 de profondeur,
Collet a 22 arpents de "terre labourable ou
en pré", une maison, une grange et étable,
le tout estimé à douze cents livres. Ses biens
et instruments de ferme sont comme suit ; deux bufs
estimés à cent dix livres les deux ; deux
jeunes taureaux, quarante livres les deux, une
vache, trente livres ; deux autres vaches, vingt-cinq
livres chacune ; deux cochons, onze livres chacun
; puis sont énumérés divers instruments de
ferme et de cuisine : trois faucilles, deux socs
de charrue, une paire de rondelles de charrue,
deux haches, un marteau, une truelle, trois
vrilles, deux coffres fermant à clef, un baril
à lard, divers seaux et barils, des marmites et
chaudières.
Dans
la Revue des Questions
historiques, deux siècles
plus tard, il est raconté que Pierre B. a pris
deux fermes à loyer : une située à Étainhus,
France, a quarante âcres et sa location lui coûte
trois cents livres par an ; l'autre, sise à
Angerville - L'Orcher, contient trente-huit âcres
et le prix de location en est de trois cents
livres également. L'inventaire énumère les
biens suivants : un chariot, quatre-vingt-cinq
livres, un banneau, vingt livres, un boisseau de
blé, deux livres cinq sols ; un boisseau d'orge,
une livre cinq sols ; une jument, soixante-cinq
livres ; un poulain de deux ans, quarante livres
; une vache, cinquante livres ; une génisse,
cinq livres ; un porc, sept livres ; un mouton,
six livres ; quatorze poules et un coq, quatre
livres sept sols.
Si
l'on tient compte du fait que pour jouir de sa
concession Jean Collet ne doit payer annuellement
qu'une rente de deux boisseaux de blé froment,
un chapon vif ou sa valeur en argent et deux
deniers de cens et rentes, on constate que ses
obligations sont de beaucoup moins onéreuses que
celles du normand, et que sa valeur est au moins
égale ou supérieure.
À
la fin de sa vie, le colon de Nouvelle-France est
plus riche de biens-fonds que d'argent monnayé.
Le Canadien apprend de bonne heure à vivre avec
philosophie, se contentant de peu, ne comptant
que sur son ingéniosité, organisant son
existence dans un confort relatif. Les conditions
économiques veulent qu'il ne puisse amasser de
l'argent. Les quelques ventes qu'il puisse réussir
lui sont remboursées en marchandises. Il ne peut
se permettre aucun luxe.
La
maison du colon
La maison
du colon est d'abord construite en bois selon des
normes conformes au climat. L'abondance des
chutes de neige exige un toit construit en pente
ou en croupe assez prononcée et renforcée de
chevrons. De façon générale, la maison de la région
de Québec est rectangulaire, de profondeur
moyenne, percée de fenêtres à volet, et sur la
toiture de lucarnes. Après bien des essais
divers, on en vient à construire en premier lieu
une fondation de pierre, plus large que la base
de la bâtisse et creusée à l'intérieur pour
permettre la circulation de l'air. L'hiver, on
entourera cette base de paille et de terre battue
pour mieux l'isoler. Cette opération s'appellera
"renchaussage"
mot qui a été spécialement créé, ainsi que
celui de "solage"
pour désigner la base
de pierre.
On érige alors la maison
sur cette base. Malgré l'exiguïté de la bâtisse,
les menuisiers doivent appliquer "des liens
résistants" aux angles, bien assembler les
solives de l'enchevêtrure, lever la cheminée en
quenouille, couvrir la maison de deux rangs de
planches et ensuite de paille. On notera que l'on
orientera la maison de façon à avoir le moins
d'ouvertures du côté nord-est. On érigera sur
une fondation construite sur le sol, un âtre et
une cheminée le couronnant. Les murs enduits de
mortier et d'étoupe seront blanchis à la chaux.
Une autre opération devient essentielle : il
faut garnir l'intérieur de la maison de lattes
de bois sur lesquelles on applique un plâtre ou
un crépi à base de glaise. Cette opération
s'appelle "finir une
maison à la gasparde".
La
maison de Québec différera de celle de Montréal
: celle de Québec aura toutes les caractéristiques
du type normand. L'indien maraude moins aux
alentours de Québec. L'habitant s'y sent plus en
sécurité qu'ailleurs. Son logis est plus
accueillant, plus ouvert, plus gai. Tandis qu'à
Montréal, avant-poste de la civilisation sur la
route de l'ouest, l'indien y mène une guérilla
sans merci. L'habitant est sans cesse aux aguets.
Chaque maison de la région montréalaise doit être
une petite forteresse domestique. Carrée,
massive, flanquée de lourdes cheminées, elle
est construite de pierres des champs, coincées
dans le mortier. Ses murs sont crevés de
carreaux qui se dérobent sous d'épais
contrevents. Ce sont autant de meurtrières où
l'habitant canarde l'Agnier en quête d'un scalp.
La maison montréalaise est surtout d'inspiration
bretonne.
L'intérieur
Les
divisions intérieures de la maison répondent au
besoin d'une famille nombreuse. Voici la
description qu'en donne l'historier J.-Edmond Roy
: Dans la pièce d'entrée, qui sert à la fois
de cuisine et de chambre à coucher, c'est
d'abord la large cheminée avec l'âtre ouvert et
le foyer de pierres plates, la crémaillère et
les chenets, la pelle à feu, le grand chaudron
et les marmites, des poêlons et des lèchefrites,
des tourtières, un gril, une bombe, tout un régiment
d'ustensiles, car la batterie de cuisine de la ménagère
canadienne a été de tout temps bien garnie. Au-dessus
de la corniche sont rangés les fers à repasser,
un fanal de fer-blanc, des chandeliers. Au fond
de la pièce s'élève le lit du maître et de la
maîtresse de la maison, le lit garni de la
communauté, comme on dit solennellement dans les
actes des notaires. C'est un véritable monument,
surmonté d'un baldaquin de près de deux mètres
de haut garni d'une paillasse de coutil, d'un
matelas, d'un lit de plume, avec couverture et
draps de laine, des taies d'oreiller et un
traversin couvert d'indienne rouge, puis la
courtepointe
Les couchettes des enfants,
beaudets ou berceaux, dorment à l'abri de ce
meuble monumental. Le reste du mobilier est des
plus sommaires ; cinq ou six chaises de bois avec
siège en paille ou tressé de nerfs, un rouet à
filer avec dévidoir, un métier à tisser la
toile, une huche, une table deux ou trois
coffres, une commode, puis près de la porte, le
banc aux seaux.
C'est
le véritable foyer où convergent hommes, femmes
et enfants, ustensiles de maison ou de ferme. On
y prépare à la fois la nourriture de la famille
et la pâtée des bestiaux, on y réchauffe les vêtements
; on y déglace les instruments de travail.
Un
des caractères permanents de la maison
canadienne est qu'elle est construite de façon
à pouvoir résister à toutes les intempéries,
aux bourrasques, aussi bien à la neige qu'à la
pluie. Habitation solide et spacieuse, construite
par de bons ouvriers avec des matériaux
judicieusement choisis.
La
grange, dont l'étable fait partie intégrante,
est un bâtiment aussi important et nécessaire
que la maison. Comme elle doit contenir la
nourriture des animaux pour les six à sept mois
d'hiver, elle est de dimensions imposantes. Une
grange typique aura vingt mètres sur sept et
elle est construite aussi en fonction du poids de
la neige, donc avec un toit en pente. Les liens
devront être plus solides encore et il faut
"placer deux aiguilles depuis terre jusqu'au
faîte, cheviller chaque chevron sur le faîte et
la sablière", placer les poutres à vingt
ou trente centimètres l'une de l'autre et les
bien fixer avec chevilles et liens. La
construction de la partie comprenant l'étable
exige des soins particuliers. Tous les animaux de
la ferme ; chevaux, bufs, vaches, porcs,
volailles, moutons doivent y passer les mois
d'hiver. Les murs en seront donc épais,
soigneusement calfeutrés, mais il faut aussi prévoir
une ventilation suffisante pour éviter les épidémies,
particulièrement en février et mars, quand les
femelles mettent bas.
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